Rasoamanarivo




 
  Teny nalaina : Rasoamanarivo

L'Express de Madagascar
2004/01/24
Les parents de Victoire étaient cousins germains, sa mère Rambahinoro était la fille de Rainiharo, devenu prince consort de Ranavalona 1ère, et son père, Rainiandriantsilavo, fils de Ratsimanisa, frère cadet de Rainiharo. Elle naquit en 1848, quatrième de sept enfants. On l’appela Rasoamanarivo, qu’on abrégeait en Rasoa ("bonne" ou "belle").

Son enfance s’écoula au milieu du clan familial, sans aucune instruction car les écoles anglicanes, interdites par Ranavalona comme ennemies des coutumes malgaches et du culte des ancêtres, avaient cessé leurs activités. Apprendre à lire se faisait secrètement. La tradition représente Rasoa, enfant calme et tranquille, compagne constante de sa mère qu’elle chérissait, mais le spectacle des supplices infligés aux chrétiens, à quelques pas de chez elle, ne dut pas lui être épargné.

L’évangélisation allait reprendre pourtant, par les Jésuites, mais avec grande prudence d’abord, et grâce à Joseph François Lambert, né en Bretagne et naturalisé mauricien en 1854. Tamatave, récemment ré-ouverte grâce à la Chambre de Commerce mauricienne, reçut la visite de Lambert sur le vapeur Mascareignes de la firme “Menon Lambert & Cie”, le 4 mai 1855. Il rendit tout de suite service au gouvernement malgache en ravitaillant les troupes de la Reine assiégées à Fort- Dauphin par des tribus non encore soumises et obtint en retour l’autorisation de visiter Tananarive. C’est là qu’il rencontra Rakoto, fils de la reine et héritier présomptif. Sans doute ne fut-il pas peu surpris de s’entendre dire par le fils de la sanguinaire Ranavalona qu’il souhaitait l’ouverture complète de Madagascar au commerce et à l’influence européens. Il fut même question de rechercher le protectorat de la France.

Accompagnant Lambert, jouant le rôle de secrétaire, le Père Finaz, Jésuite en costume civil, entendit Rakoto se livrer à son "patron". Deux ans plus tard, après une démarche infructueuse à Paris (la France rejetait alors toute idée de protectorat) et un séjour à Maurice où il essuya l’ire du gouverneur Higginson qui le soupçonnait d’agissements compromettants pour l’Angleterre, Lambert revint à Tananarive avec trois Jésuites, son secrétaire (le père Finaz), un infirmier et un pharmacien (les PP. Jouen et Webber). Ils accompagnaient un médecin venu de la Réunion pour soigner un frère du Premier ministre. Cela se passait en mai 1857. Rasoa avait neuf ans. Elle rencontra les pères sans connaître le fond des choses, alors que sa famille et Rakoto établissaient des contacts étroits avec eux et parlaient en secret de religion et d’écoles.

Mais le moment était loin d’être venu pour une action officielle. Soudain la situation redevint tragique comme aux pires jours des débuts de la persécution. La reine crut discerner un complot ourdi contre elle, notamment par les Européens qui durent quitter Tananarive, Lambert le premier. La famille de Rasoa ne subit aucun contrecoup de cet épisode, “famille intéressante et nombreuse, notait alors le Père Finaz, chérie de la reine de qui elle obtient tout ce qu’elle veut”. Son influence, disait le père, “est un bien”.

Mais jusqu’au bout la reine resta implacable envers les chrétiens et, en 1859, chassa les Jésuites qui s’installaient aux environs de Majunga. Enfin elle mourut, paisiblement dit-on, en son palais, le 16 août 1861.

Son fils Rakoto accédant au trône et devenant Radama II, l’on assista à un revirement complet. Le père Finaz accourut et Rasoa le revit, le reconnut, seulement étonnée de son habit ecclésiastique. Les pères Jouen et Webber suivirent : le roi pouvait enfin libérer son peuple de l’isolement auquel sa mère l’avait condamné. Il ouvrit toutes grandes les portes de Madagascar aux Jésuites auxquels il répondit, alors qu’ils sollicitaient la permission d’enseigner la religion catholique et de créer des écoles, que tel était le plus ardent de tous ses vœux. “Allez, dit-il, prêchez, instruisez, enseignez non seulement à Tananarive mais dans tout mon royaume”. Réponse attendue depuis trente ans. La reine Rasoherina, épouse du nouveau Radama, accueillit les religieuses de Saint-Joseph de Cluny dont l’école des filles reçut l’hospitalité de Jean Laborde vieux routier de Madagascar, industriel respecté depuis longtemps, même par Ranavalona. Lambert revint aussi et le roi le créa duc d’Emirne.

A 13 ans, Rasoa alla enfin à l’école, confiée par sa mère Rambahinoro à la mère Gonzague : “Voici une petite blanchette que je vous confie. C’est votre enfant”. Elle ne savait pas si bien dire.

Le couronnement de Radama devait avoir lieu en 1862. L’Angleterre envoya une délégation et l’Illustrated London News publia des gravures de Pasfield Oliver où l’on distingue à leur arrivée à Tamatave, les membres de cette délégation entièrement anglo-mauricienne : le général Johnstone, commandant des troupes, l’Inspecteur général de police Anson, l’évêque “of Mauritius” Ryan et quelques autres personnages subalternes. Pasfield Oliver faisait partie de cette délégation et devait publier peu après son Madagascar and the Malagasy. Les Britanniques Arrivés à Tamatave le 15 juillet, les Britanniques montèrent à Tananarive, précédés depuis le mois de juin par le pasteur anglican et membre de la London Missionary Society, William Ellis. Envoyé à Madagascar par cette société pendant la persécution des protestants par Ranavalona, il était venu à Port-Louis en juin 1853 et semble avoir précédé la mission Mangeot-Cameron à Tamatave d’où il se fit refouler. Il y revint à la réouverture du port avec des bibles qu’il réussit à faire passer, visita Foulepointe et prit contact avec des chrétiens persécutés sur la côte, mais dut regagner Port-Louis. D’après la notice que lui a consacrée P. J. Barnwell, il aurait enfin visité Tananarive en août 1856 et là “met Radama, renewed many contacts, and avoided traps laid by Laborde “a native of Mauritius”. Après un mois de séjour autorisé il repartait faire son rapport au gouverneur Higginson. Or Radama était mort depuis 1828, et le second du nom s’appelait encore Rakoto en 1856. Et Laborde n’était pas Mauricien. Le personnage de Wiliam Ellis paraît controversable. Son fils publia, en 1873, un mémoire sur sa vie où il le décrit comme “l’apôtre de Madagascar”.

Il est donc présent au couronnement de Radama II en compagnie de la délégation britannique venue de Maurice.

Raymond d'UNIENVILLE, Q.C.